Marjorie Bouyssou, infirmière tabacologue au CTR de Pern, répond à nos questions dans le cadre du Mois Sans Tabac, et notamment sur la difficulté d’arrêter de fumer.

 

Marjorie Bouyssou : pourquoi c'est si difficile d'arrêter de fumer ?Pourquoi c’est si difficile d’arrêter de fumer ?

C’est une grande question ! Effectivement, on démontre quand même, et c’est aussi ce que disent les personnes dépendantes au tabac, il semble que ce soit une des addictions les plus intenses. D’abord, c’est un produit en vente libre, avec un accès aisé, même si ça coûte de plus en plus cher. Il y a aussi toute une représentation sociale autour du tabac qui est quand même en train de se déconstruire un petit peu, mais qui est parfois assez forte, notamment chez les jeunes : on peut avoir l’idée que ça facilite la convivialité, qu’on ne peut pas passer une soirée sans fumer. Je rencontre souvent des personnes qui décrivent ça, puis quand on discute, on peut les emmener à réfléchir autrement : est-ce que finalement on ne peut pas faire une soirée sans tabac ?

En effet, la cigarette est un élément important de la vie sociale : pourquoi voir des gens fumer donne aussi envie de fumer ? Pourquoi boire de l’alcool donne envie de fumer ? Comment faire dans un contexte de fête pour arriver à ne pas fumer ?

Quand je discute avec les personnes accueillies au CTR dans le cadre des groupes de travail, je leur pose des questions sur leurs représentations, et le travail consiste ensuite à démonter ces représentations. Finalement, on comprend vite qu’il n’y a pas besoin de fumer pour passer une bonne soirée. Evidemment, au CTR, les représentations sont très ancrées car il y a à peu près 98% de la population ici qui consomme du tabac. On voit que les représentations sont attachées aux consommations existantes.

En dehors des soirées et de la vie sociale, il y a des moments où l’on a facilement envie de fumer, comme lorsqu’on est dans un moment d’attente, sur un quai de gare, en terrasse, des moments de d’ennui… On peut aussi avoir besoin d’avoir une contenance. Comment faire pour éviter d’avoir envie de fumer dans ces moments-là ?

C’est vrai que la cigarette vient souvent combler des moments de vide. Ce matin, les personnes qui ont participer au groupe de discussion en ont parlé : ils expliquent que fumer est aussi quelque chose qui occupe. L’idée va être de discuter pour trouver ce que l’on peut faire à la place de la cigarette. Et n’est-il pas possible de faire des choses sans cigarette ? Très vite, les personnes se rendent compte que c’est tout à fait possible.

Et quand on fumer à cause du stress ? C’est encore autre chose, non ?

Je vais vous raconter une petite anecdote arrivée quand je faisais mes études en tabacologie. J’étais en stage avec des professionnels qui faisaient des consultations en tabacologie, et les personnes qui avaient arrêté depuis environ 1 mois et qui venaient à une 2e consultation disaient qu’elles étaient surprises d’être beaucoup moins stressées que lorsqu’elles fumaient : on croit que fumer nous calme, alors que le tabac nourrit le stress.

Au moment d’arrêter de fumer, le manque risque d’en créer pourtant, non ? Certaines personnes se disent que si elles arrêtent d fumer, elles vont être invivables.

Si on est bien pris en charge, qu’on a une substitution avec une dose adaptée, il n’y a quasiment pas d’irritabilité à cause de l’arrêt de la cigarette. Les personnes qui arrêtent le tabac seules, qui sont en syndrome de sevrage, qui ont des manifestations de manque peuvent en effet être stressées et à fleur de peau. Mais si un professionnel fait une évaluation pour trouver le traitement le plus juste, la personne n’aura pas d’irritabilité, elle ne sera pas agacée. Cela va même rendre leur cerveau plus disponible, comme j’ai l’habitude de le dire, pour travailler notamment sur le comportement et sur la dépendance psychique.

 

A suivre : les traitements pour arrêter de fumer