Nous retrouvons Vladimir Nadal, éducateur spécialisé en addictologie, pour nous parler du CAARUD (Centres d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues).

Comment avez-vous abordé ce nouveau travail au CAARUD, tourné cette fois sur la Réduction des Risques ?

C’est surtout auprès des usagers que l’on apprend. J’ai eu la chance de me former sur place avec une médiatrice de santé pair qui était donc une ancienne usagère. Elle m’a énormément aidé à comprendre ce qu’est la réduction des risques, les spécificités liées aux produits, au matériel… J’ai aussi fait une formation en AERLI (Accompagnement et Education aux Risques Liés à l’Injection) : ça m’a appris à accompagner les personnes dans un cadre spécifique avec un protocole hyper carré pour que l’injection soit faite avec le moins de risques possibles. On accompagne la personne dans son injection pour plus de sécurité. On regarde comment elle fait l’injection, on vérifie et on voit avec elle comment elle peut faire pour éviter les complications. Il s’agit souvent de personnes qui ont des problèmes du type infection, œdème, abcès… Elle le savent plus trop où shooter, plus trop comment faire.

Pour ces personnes, l’idée de se soigner, d’arrêter la prise de drogues, n’est pas envisageable ?

Au CAARUD, l’accueil est inconditionnel, on n’est pas dans le soin, on accueille les personnes comme elles sont, avec leurs addictions, leur consommation, leur état.

Concrètement, ça se passe comment, cet accompagnement ?

Si un usager de drogue vient nous voir et que l’on constate des problèmes liés à l’injection, on lui parle de la réduction des risques et de l’accompagnement qu’on peut lui proposer. Il y a un protocole très précis. La première rencontre se fait toujours en binôme. On discute, et on est surtout observateurs. Cela permet de trouver la source des infections par exemple, selon le lieu où la personne effectue l’injection, où elle pose sa seringue… Cela peut se faire chez la personne, dans des locaux, ou de façon mobile. Dans tous les cas, il ne s’agit pas d’aller en salle de consommation, et tout est très cadré avec des limites définies. Si la personne est venue nous voir, c’est qu’elle est en demande d’aide. Nous pouvons donc effectuer de l’observation mais aussi un travail éducatif, en discutant de ce qui a été observé et ainsi réduire les risques. La personne peut aussi bénéficier de soin auprès d’un médecin du CAARUD pour les infections ou les abcès.

Est-ce si évident pour la personne de vous laisser l’observer ainsi ?

Non, bien sûr, c’est délicat. Cela demande du temps et une grande confiance. Rien n’est jamais acquis.

La RDR (Réduction des Risques), est-ce que c’est surtout réduire les risques au moment de la prise de drogues ?

Oui, c’est en grande partie à ce moment-là, mais pas seulement. Ce n’est pas une question d’arrêter de consommer, mais de prendre la mesure des problèmes que ça peut amener : maladie, difficultés sociales, rupture avec la famille…  ça peut amener à une prise de conscience. Le CAARUD a aussi un camion mobile qui se déplace sur demande ou initiative du CEIIS pour distribuer du matériel, sensibiliser à la réduction des risques, faire connaître le CSAPA Le Peyry (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie). On va vers les gens pour échanger, donner un accès à la réduction des risques et aux soins de façon égalitaire.

Ce travail d’accompagnement est peu connu. Pourquoi ?

En France, on fait culpabiliser les usagers de drogues. Il faut quand même comprendre qu’une addiction, à la base, c’est une sorte d’auto-médication, pour supporter une souffrance, même si on sait que ce n’est pas le bon moyen. Mais c’est d’abord une envie de bien-être, pour oublier les soucis, faire taire la dépression… Par exemple, l’alcool permet d’être plus désinhibé, de se sentir mieux, d’arriver à parler aux autres, ça a un côté festif et social. Une fois l’addiction installée, la volonté ne suffit pas, et ça crée de la honte. Beaucoup se cachent, puis perdent tout et ne peuvent plus se cacher. C’est pourquoi il faut une parole plus libre, sans jugement, sans obligation.

A suivre : une parole libre